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title: "Les Ateliers de [sens public] : repenser le livre"
chapitre: 1
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Pour illustrer la relation entre les concepts de livre et d'artefact, et pour épuiser l'expression d'"artefact éditorial", nous présentons en détail un livre édité par les Ateliers de \[sens public\], _Exigeons de meilleures bibliothèques_ de R. David Lankes.
Cette étude de cas permet de comprendre la dimension _artefactuelle_ du livre dans un contexte précis, de définir _à nouveau_ ce qu'est un livre à travers une initiative originale, et enfin de faire le pont vers la question de la définition de l'édition, à la suite de celle du livre.

Notre implication dans les projets de cette structure d'édition — qui a précisément démarré avec ce livre — doit être soulignée, car elle revêt un intérêt particulier.
Comme expliqué dans l'introduction{{< renvoi chapitre="0" section="3" >}}, présenter des expérimentations auxquelles l'auteur de cette thèse a participé permet de relever de nombreuses problématiques difficiles à appréhender autrement.
Cette étude de cas, comme les quatre autres qui ponctuent les chapitres qui suivent, ne se veut pas objective mais une démarche _extime_ qui entend confronter les théories jusqu'ici présentées, afin de les épuiser dans un cas pratique tout en apportant un regard critique nécessaire.


### 1.5.1. Une structure collégiale

Les Ateliers de \[sens public\]{{< n >}}Aussi appelés "Ateliers" par la suite.{{< /n >}} sont nés du besoin de faire exister des textes ailleurs que dans la revue _Sens public_, de transformer des articles en monographie, de donner un nouvel éclat à des recherches et de créer une conversation.
Entre 2018, l'année de sa création, et le printemps 2023, la structure a publié 6 textes aux contenus et aux formats variés.

{{< citation ref="vitali-rosati_a_2018" >}}
Le principe de la collection est de proposer une forme de publication multiple en accès libre sur des sujets divers en sciences humaines et sociales qui correspondent aux orientations éditoriales de la revue [Sens public (Arts et lettres, Histoire, Monde numérique, Philosophie, Politique et société, Sciences et environnement)].
{{< /citation >}}

Entre le _fork_ (nouvelle embranchement à partir d'une source commune) et le _spin off_ (projet dérivé), les Ateliers de \[sens public\] partagent plusieurs points communs avec la revue _Sens public_ : les sciences humaines et la philosophie, la question du numérique, la littérature en creux, la création d'un espace pour des collectifs, la question de la conversation, etc.
Et aussi, et surtout, la question de l'accès ouvert puisque les livres des Ateliers sont tous accessibles en libre accès, sans restriction.
Le libre accès est une façon d'appréhender et de diffuser la connaissance, et l'organisation même de la structure est en adéquation avec ce désir et cet acte d'ouverture.
Les décisions sont prises de façon collégiale, autour d'un noyau de chercheurs et de chercheuses à l'initiative du projet (comme Nicolas Sauret ou Servanne Monjour), une éditrice et des étudiants qui ont rejoint l'aventure éditoriale (comme Hélène Beauchef, Roch Delannay ou l'auteur de cette thèse) ou des contributeurs experts (comme Marcello Vitali-Rosati ou Michael Sinatra).
Ces choix et ces positionnements posent plusieurs questions, comme le financement des projets éditoriaux — dont les modalités d'implication des personnes qui y sont investies —, ainsi que la diffusion de ces productions dans un écosystème occupé majoritairement par des maisons d'édition au fonctionnement plus classiques ou par des presses universitaires rattachées à des universités.

La démarche des Ateliers de \[sens public\] est de repenser la façon d'éditer un livre {{< cite "fauchie_quel_2021" >}}, à travers plusieurs ouvrages dont nous pouvons donner quelques informations.
Le premier livre, _Facebook : L'école des fans_ est un recueil d'essais de Gérard Wormser à propos des réseaux (sociaux) et de l'effet de la place hégémonique de Facebook dans l'espace sociale et médiatique.
_L'espace numérique_ est un dialogue entre Éric Méchoulan et Marcello Vitali-Rosati, mettant en scène leur conversation épistolaire (et numérique).
Le troisième livre des Ateliers est la traduction d'un essai sur les bibliothèques de R. David Lankes, _Exigeons de nouvelles bibliothèques_, et le premier titre à intégrer des contenus additionnels.
_Fabrique de l'interaction parmi les écrans : Formes de présences en recherche et en format_ est un ouvrage collectif qui présente plusieurs années de recherche du séminaire doctoral "Interactions Multimodales Par ÉCran".
Cinquième livre des Ateliers, _Lire Nietzsche à coups de sacoche : Panorama des appropriations féministes de l’œuvre_ est un essai philosophique de Mélissa Thériault.
Le dernier livre publié par les Ateliers, de Gilles Bonnet, Erika Fülöp et Gaëlle Théval, concerne l'engagement d'auteurs et d'autrices de littérature sur les plateformes de vidéo, il est intitulé _Qu'est-ce que la littéraTube ?_

Ces livres reposent sur trois grands principes : le libre accès, ce qui signifie que les contenus sont accessibles sans restriction ; la publication multi-formats (PDF, EPUB, imprimé), voire multimodale avec une version web augmentée pour plusieurs titres ; la maîtrise de la diffusion avec le dépôt des versions sur le propre site web des Ateliers, qui ne dépend pas d'une structure tierce.
Le choix du libre accès se traduit par une licence Creative Commons (BY-SA, ce qui signifie que la parenté et le partage à l'identique sont obligatoires).
Il faut préciser qu'il ne s'agit pas uniquement d'un accès ouvert, ici des modes de _réutilisation_ sont permis et encadrés.
Ensuite, la publication multi-formats ou multimodale est une dimension importante pour un projet de publication de monographies.
Les dispositions de lecture peuvent varier, et les Ateliers proposent plusieurs façons de lire leurs textes : en numérique avec une version _figée_ PDF qui peut également être imprimée, toujours en numérique avec une version _liquide_ EPUB pour les liseuses, et enfin une version imprimée pour des lectures hors écran.
La version imprimée est proposée via la plateforme Lulu.com en impression à la demande, procédé d'impression déjà évoqué{{< renvoi chapitre="1" section="2" h3="2" >}}.
Les livres plus récents sont disponibles en version web augmentée, il s'agit d'un site web qui comporte les mêmes contenus que les autres formats, avec des enrichissements comme des index, des glossaires, des médias (vidéos, images) ou des encarts additionnels.
Enfin les Ateliers disposent de leur propre plateforme, tous ces formats sont disponibles directement sur leur site web{{< n >}}[https://ateliers.sens-public.org](https://ateliers.sens-public.org){{< /n >}} sans intermédiaire (hormis Lulu.com pour le livre imprimé).

Le lien avec la revue _Sens public_ tient aussi dans la manière de produire les artefacts.
Dans le cas de la revue, un _workflow_ éditorial a été mis en place dès 2016 ; cette chaîne d'édition a donné lieu à la création de l'éditeur de texte sémantique pour l'édition scientifique _Stylo_ {{< cite "vitali-rosati_ecrire_2020" >}}.
Cette façon d'éditer des articles scientifiques a trois objectifs : disposer d'outils d'écriture et d'édition libres, contrairement aux traitements de texte propriétaires largement utilisés par la communauté scientifique, avec ce positionnement fort que les outils conditionnent notre écriture {{< cite "vitali-rosati_quest-ce_2020" >}} ; adopter une écriture et une édition sémantiques des textes ; générer simultanément plusieurs artefacts à partir d'une seule source, pour faciliter le travail d'édition et pour permettre une certaine horizontalité des interventions sur le texte.
_Stylo_ est autant une preuve de concept qu'un outil d'écriture et d'édition mis à la disposition de la communauté scientifique avec le soutien, notamment, d'Huma-Num — la très grande infrastructure de recherche en France.
Les Ateliers est une structure éditoriale qui a prolongé cette approche pour les livres.
Nous n'explicitons pas ici le processus de _fabrication_ des Ateliers{{< renvoi chapitre="2" section="5" >}}, mais un livre en particulier, pour analyser en détail les artefacts ainsi que le travail d'édition numérique nécessaire.


### 1.5.2. _Exigeons de meilleures bibliothèques_ : un livre emblématique

_Exigeons de meilleures bibliothèques : Plaidoyer pour une bibliothéconomie nouvelle_ est un livre de R. David Lankes, c'est un projet éditorial d'envergure par ses multiples formes et ajouts, et collectif avec une communauté de bibliothécaires qui a participé au projet.
R. David Lankes est professeur de bibliothéconomie et une figure du monde des bibliothèques en Amérique du Nord.
Le texte en anglais est autoédité par l'auteur en 2016, le texte français est issu d'un travail de traduction collectif sous la direction de Jean-Michel Lapointe.
L'édition augmentée est réalisée par Hélène Beauchef.
À la suite d'une première traduction le texte a été annoté puis modifié : des corrections ont été appliquées à la traduction lorsque nécessaire, et des contenus ont été ajoutés pour augmenter ou illustrer certaines parties du texte, tout cela à partir de ce travail d'annotation.
C'est donc un processus collectif (plusieurs personnes étaient impliquées) et collaboratif (le travail collectif a été réalisé de façon concertée) qui s'est déroulé.

Ce livre se démarque des précédents titres des Ateliers pour une raison principale : sa version web "augmentée" diffère des versions PDF, imprimée ou EPUB.
_Exigeons de meilleures bibliothèques_ est une preuve de concept d'une édition numérique enrichie.
Les ajouts sont de plusieurs natures, tant en termes de dispositifs de lecture que de contenu.
Des _outils du livre_ sont ajoutés, comme un glossaire et un index des noms propres, index qui comporte les renvois vers les occurrences dans les chapitres.
La version EPUB ne comporte aucun des deux, et les versions PDF ou imprimée ne comportent que l'index des noms propres, sans renvoi cliquable pour le PDF.
Des outils de navigation permettent de parcourir les contenus sur la version web : accès aux chapitres via un menu, passage d'un chapitre à l'autre via des boutons/liens sur l'interface graphique, liens hypertextes dans le texte pour aller directement à une autre partie du texte.
Des enrichissements apparaissent au cours du texte et sont également regroupés dans un chapitre dédié.
Il s'agit de références bibliographiques supplémentaires, de liens hypertextes, d'images, de vidéos ; ces contenus sont identifiés et portent une mention précisant par qui ils ont été ajoutés.
Ils sont par ailleurs identifiés sous forme de bloc entre des paragraphes, visibles ou à dérouler, directement dans le flux du texte ou dans les marges.
Si le balisage des organismes et des lieux est réalisé mais non visible sur l'interface de lecture, il est possible de le découvrir dans le code source des pages web, ou dans les sources des contenus {{< cite "noauthor_lankes_2023" >}}.

Cette qualification d'_édition enrichie_ tient aux éléments qui ne sont pas dans les versions EPUB ou PDF : des outils (avancés) du livre comme les glossaire ou index, des possibilités de navigation, et des contenus additionnels.
Ces enrichissements apportent des éléments supplémentaires par rapport au texte originel.
Ils donnent des informations complémentaires qui ne figurent pas ailleurs.
_Exigeons de meilleures bibliothèques_ est un livre emblématique des Ateliers car il est le premier du catalogue à être enrichi, et le premier à envisager des liens entre plusieurs formats ou versions possibles d'un même texte.

{{< figure type="figure" src="exigeons-01.jpg" legende="Capture d'écran de la version web du livre _Exigeons de meilleures bibliothèques_, chapitre 6" >}}

{{< figure type="figure" src="exigeons-02.jpg" legende="Capture d'écran de la version PDF du livre _Exigeons de meilleures bibliothèques_, pages 157 et 158" >}}

{{< figure type="figure" src="exigeons-03.jpg" legende="Capture d'écran de la version web du livre _Exigeons de meilleures bibliothèques_, des contenus additionnels dans le chapitre 2" >}}

Nous envisageons le livre comme un artefact pour inclure dans sa définition le processus technique nécessaire à sa fabrication, et pour ne plus seulement le considérer comme un objet — le résultat d'une production.
Ce livre, _Exigeons de meilleures bibliothèques_, révèle en partie la façon dont il a été fabriqué, et plus spécifiquement via les différents artefacts que sont les versions numériques ou imprimée.
Les enrichissements de la version web ne sont par exemple possibles qu'à condition de baliser de façon sémantique les contenus, balisage qui peut être découvert en inspectant le code source des pages web.
Ce livre porte les conditions de sa fabrication : les différences entre la version web et les autres formats permettent de comprendre comment cet ouvrage a été édité.


### 1.5.3. Le livre en tant que hybridation

Ce livre est un exemple contemporain de ce qu'est un livre, parce qu'il correspond à la définition que nous avons établie, et parce qu'il est un cas d'hybridation — avec la co-existence et la relation entre les différents formats et versions.
Reprenons la définition du livre que nous avons établie{{< appel identifiant="livre" >}} : un artefact éditorial clos, résultat d’un travail d’écriture et d’édition, de création ou de réflexion, un objet physique (par exemple imprimé) ou numérique (un fichier ou un flux) maniable voire malléable.
Le livre des Ateliers, en tant que l'ensemble des artefacts (formats EPUB, PDF, web et imprimé), remplit ces critères : il est clos en termes de contenus, publié à une certaine date même s'il peut être mis à jour ; il y a eu un travail d'écriture et d'édition, et plus précisément plusieurs phases successives d'écriture et d'édition collectives ; c'est un texte traduit issu d'un texte original, avec des enrichissements sélectionnés et appliqués au texte ; il existe sous différents formats ; ces formats sont portables (imprimé et EPUB), maniables, répondant à des standards (web/HTML, EPUB) ou des normes (PDF), et malléables puisqu'il est possible d'adapter l'affichage aux dispositifs de lecture (web/HTML et EPUB).
_Exigeons de meilleures bibliothèques_ répond à notre définition mais présente toutefois une originalité, justement dans la multiplicité des formats, et avec cette forme augmentée.
Le livre est repensé dans cette expérimentation éditoriale, dans la _complémentarité_ des versions et dans la diversité des dispositifs de lecture.
Cette complémentarité constitue une nouveauté qui peut être intégrée à notre définition, elle ouvre également sur un autre concept en lien avec nos recherches, celui de l'_hybridation_ des modes de fabrication.

Le concept d'hybridation, décrit par Alessandro Ludovico dans _Post-digital print_ {{< cite "ludovico_post-digital_2016" >}}, définit les relations qu'entretiennent d'une part plusieurs techniques de production et de diffusion éditoriales, et d'autre part plusieurs formats du fait de leur co-existence et de leur complémentarité.
La version web de _Exigeons de meilleures bibliothèques_ est complémentaire, par exemple, de la version imprimée.
Complémentaire en termes de contenus — les enrichissements de la version web — mais aussi en termes de dispositif de lecture — le format web ne nécessitant rien d'autre qu'un navigateur web, et le format papier n'ayant pas besoin d'un appareil électrique pour être lu.
Les deux _versions_ peuvent donc être consultées dans des contextes de lecture différents, elles co-existent et sont complémentaires.

En 2012 Alessandro Ludovico réalise une étude de nombreuses initiatives éditoriales afin de démontrer que le numérique apporte une dimension supplémentaire à l'édition.
Parmi ses exemples, celui de l'auteur américain Cory Doctorow est particulièrement illustratif.
Cory Doctorow propose des formats numériques gratuits (PDF, EPUB ou audio) et imagine plusieurs formes de livres imprimés, du format poche imprimé à la demande via la plateforme Lulu.com à la version plus luxueuse fabriquée par des artisans du livre, cette dernière étant produite en un nombre limité d'exemplaires.
Le livre numérique peut devenir un produit d'appel, gratuit, pour déclencher des ventes de livres imprimés.
Alessandro Ludovico place l'"impression postnumérique" comme l'horizon de l'hybridation, combinant la souscription, la complémentarité entre papier et numérique, l'utilisation de l'informatique pour la production, ou encore l'adoption de stratégies _cross media_.
L'édition ne doit plus consister à _figer_ un texte pour pouvoir le placer dans un espace économique, mais aussi à étendre le contenu du livre et à anticiper des situations de lecture.
Alessandro Ludovico expose le concept d'hybridation comme l'association de processus de production et de diffusion éditoriaux, et comme la complémentarité des formes des artefacts — typiquement le livre imprimé et le livre numérique.

Pour reprendre un autre exemple déjà abordé, _Busy Doing Nothing_ du collectif Hundred Rabbits{{< renvoi chapitre="1" section="3" >}} est également un exemple d'hybridation des formats : la version paginée (PDF ou imprimée) est complémentaire — en termes de contenus — de la version web initiale.
Ici le mouvement est inversé par rapport au livre de R. David Lankes, puisque le parcours éditorial — et expérimental — part du Web pour aller vers des formats comme le PDF et l'imprimé.
Comme les livres des Ateliers, _Busy Doing Nothing_ porte des principes forts : générer plusieurs artefacts dans un même projet éditorial ; constituer un environnement de diffusion autonome ; maîtriser les outils de production ; donner l'accès aux sources.
Et comme le duo Hundred Rabbits, les Ateliers construisent leur propre environnement d'édition et de publication.
Cela nécessite un investissement important dans l'apprentissage des techniques et des technologies nécessaires à l'établissement d'une chaîne d'édition et aux outils de diffusion.
La dimension de recherche scientifique, comprenant un environnement académique, est une condition de faisabilité d'un tel projet qu'il serait certainement difficile à développer dans le cadre d'une structure éditoriale classique.
Les expérimentations des Ateliers peuvent toutefois être considérées comme des exemples dont peuvent s'inspirer d'autres initiatives.


### 1.5.4. Éditer et fabriquer

Pour qu'un livre soit considéré comme tel, faut-il aujourd'hui nécessairement une _hybridation_ ?
Un livre disponible dans un seul format ou une seule version, ou imprimé sans équivalent numérique (enrichi ou non), est-il encore un livre ?
Il ne s'agit pas ici de porter un jugement sur des publications existantes, mais de constater les changements opérés au sein de structures qui éditent, qui font exister les textes, en prenant en compte différents contextes de lecture selon les types de contenus.
Si un artefact éditorial peut faire émerger le processus à son origine, c'est le sens même de l'édition qui est également reconsidéré.

Le livre est un objet éditorial complexe, il est le résultat d'un travail d'écriture et d'édition, de création ou de réflexion.
Le livre est un concept nécessaire à la compréhension de la constitution de la connaissance et de sa transmission.
Le livre est un artefact, un objet physique qui prend la forme d'un ensemble de feuilles de papier reliées ou de fichiers liés.
Le livre est maniable voire malléable.
Nous sommes parvenus à la définition du livre en tant que concept, objet, forme et artefact, en parcourant autant ses origines historiques, que les évolutions techniques nécessaires à son apparition et à son évolution, ou encore en étudiant des formes contemporaines et originales.
Penser le livre comme artefact n'est possible qu'à condition d'étudier des objets éditoriaux en établissant une filiation entre le livre et la technique.
Penser le livre comme artefact nous amène donc à observer le processus qui donne lieu au livre.
Durant ce premier chapitre nous n'avons ni défini ni étudié ce processus qu'est l'édition.

Enfin, les artefacts créés par les Ateliers sont issus d'un processus de _fabrication_.
Ce processus est décrit dans l'étude de cas du _Pressoir_, la chaîne d'édition des Ateliers{{< renvoi chapitre="2" section="5" >}}, et le concept de _fabrique_ est détaillé dans un chapitre suivant{{< renvoi chapitre="5" section="4" >}}.
Éditer, fabriquer : deux activités qui doivent être décrites et mises en relation.
Ce qui apparaît donc désormais comme nécessaire est l'établissement d'une définition de l'édition, acte de fabrication d'un texte et de ses artefacts.
Le chemin vers la définition d'une _fabrique d'édition_ passe par cette définition.